Khaled
AL KHAMISSI
(né en
1962)
L’Arche
de Noé
(سفينة نوح)
Pour la structure de ce roman,
l’auteur dit dans un entretien[1]
s’être inspiré d’une tradition littéraire arabe : les maqâmât, traduit en français par Séances. Forcément, je n’ai pas pu m’empêcher de voir le lien avec
le roman picaresque espagnol. Dans le roman d’Al Khamissi, le pícaro serait l’ensemble du peuple
égyptien, élaborant moult ruses pour sortir du bourbier de la misère ou de la
stagnation. Mais ce clin d’œil n’intéresse finalement que moi.
Par ailleurs, l’Arche de Noé
qu’évoque le romancier ressemble fort à la galère de Scapin, au sens propre
comme au sens figuré : elle sombre dans les eaux meurtrières, elle est mensonge créant
l’illusion. Est-ce pour cela, comme une
compensation, qu’il y a beaucoup de tendresse dans l’évocation de ces douze
personnages ? Beaucoup de poésie aussi. Les va-et-vient permanents entre
leurs souvenirs et leur actualité, pour déroutants qu’ils puissent être, nous font
naviguer sur les incertitudes et espoirs d’Egyptiens de toute classe sociale,
du plus pauvre au plus riche, du plus candide au plus immoral, des hommes et des
femmes qui cherchent à s’en sortir... en sortant du pays. Certains y parviennent,
d’autres pas. Certains regrettent et reviennent.
Il y a en effet un profond
amour pour ce grand pays, déchu certes, mais si la grandeur peut être étouffée,
elle ne meurt jamais, elle reste au cœur de l’homme et peut resurgir à tout
moment. C'est une des leçons du roman.
J’ai aimé par exemple la fière et légitime colère
du Nubien qui revendique une partie de l’identité égyptienne et accuse l’imbécillité
d’un gouvernement qui préfère désigner un site historique par le nom donné par
le colonisateur :
« Assouan
est un mot d’origine nubienne qui se prononce assi
wong et qui signifie eau pure. Mais
aujourd’hui, à l’instar des Anglais, on la surnomme "l’île de l’Eléphant"
à cause de ses rochers en forme de tête d’éléphant, c’est en tout cas ce qu’a
décidé l’Etat égyptien, préférant ainsi se rattacher à la tradition coloniale
plutôt qu’à l’héritage nubien. »
Je tremble encore pour Sanaa Mahrane,
la jeune prostituée poète et amoureuse des livres, qui se retrouve dans un
appartement minable de la capitale géorgienne, attend de retourner à Dubaï avec une seule
idée en tête : rentrer en Egypte parce qu’elle se rend compte qu’elle y a
laissé ses livres. Je lui souhaite de tout mon cœur d’y arriver.
Le seul problème du roman, et
non des moindres, est la traduction. Elle est si mauvaise que j’ai été plus d’une
fois tentée d’arrêter la lecture du livre. Mon arrivée à la 363ème
page ne tient qu’au talent du romancier, à la manière qu’il a de s’attacher à
ses personnages et de nous les faire aimer. Et ce n’est pas tout, le texte possède
de trop nombreuses coquilles et des fautes évidentes de relecture. Comment
peut-on être aussi incompétents ? Comment peut-on surtout être aussi
irrespectueux d’une œuvre ? Y aurait-il pénurie de bons traducteurs de l’arabe
dans notre pays ? Franchement, j’ai du mal à le croire ! Et les relecteurs, on économise sur leur dos ? Est-ce vraiment là qu'il convient d'économiser ?
Cela me rappelle une histoire de chaises que Gide raconte dans son Retour d'URSS.
On l'amena un jour visiter une usine qui fabriquait des chaises. On lui vanta la quantité produite pour montrer l'efficacité de l'ouvrier soviétique. Gide raconte toutefois qu'elles étaient toutes bancales et inutilisables.
Eh bien voilà : Actes Sud édite beaucoup de livres ("Vous avez vu le nombre de livres qu'on édite, on est vachement dans le coup, on est vachement ouverts.") Ben oui, sauf que les livres, ils sont presque tous bancals : certains sont mal traduits, d'autres mal ou pas relus. Bref, du travail de sagouin.
Cela me rappelle une histoire de chaises que Gide raconte dans son Retour d'URSS.
On l'amena un jour visiter une usine qui fabriquait des chaises. On lui vanta la quantité produite pour montrer l'efficacité de l'ouvrier soviétique. Gide raconte toutefois qu'elles étaient toutes bancales et inutilisables.
Eh bien voilà : Actes Sud édite beaucoup de livres ("Vous avez vu le nombre de livres qu'on édite, on est vachement dans le coup, on est vachement ouverts.") Ben oui, sauf que les livres, ils sont presque tous bancals : certains sont mal traduits, d'autres mal ou pas relus. Bref, du travail de sagouin.
Khaled AL KHAMISSI, L’Arche de Noé, traduit de l’arabe (Egypte)
par Soheir Fahmi avec la collaboration de Sarah Siligaris, Actes Sud, 2012, 363
pages
[1] http://www.lacauselitteraire.fr/entretien-avec-khaled-al-khamissi-a-propos-de-son-livre-l-arche-de-noe